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Le cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, dans le numéro de mai de « Donne Chiesa Mondo », le mensuel de l’Osservatore Romano en ligne le samedi 25 avril, se concentre sur les différents aspects du rôle des femmes dans la formation sacerdotale, dans les communautés paroissiales et plus généralement dans la vie de l’Église
C’est un fait: les femmes représentent souvent une présence numériquement majoritaire parmi les destinataires et les collaborateurs de l’action pastorale du prêtre. Au numéro 151 de la Ratio fundamentalis de 2016, nous lisons que la présence féminine dans le parcours de formation au séminaire a sa propre valeur, également pour reconnaître la complémentarité entre l’homme et la femme. Mais pour le cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, beaucoup reste à faire. Le modèle est toujours clérical. Nous avons besoin d’une révolution culturelle.
Votre Eminence, vous avez déjà dit que vous êtes favorable à la présence des femmes dans la formation des prêtres et dans l’accompagnement spirituel. Pouvez-vous expliquer pourquoi? Pour quoi?
R. – Ils peuvent participer de multiples façons: à l’enseignement théologique, philosophique, à l’enseignement de la spiritualité. Ils peuvent faire partie de l’équipe de formateurs, notamment dans les vocations exigeantes. Dans ce domaine, nous avons besoin de l’opinion des femmes, de leur intuition, de leur capacité à saisir le côté humain des candidats, de leur degré de maturité émotionnelle ou psychologique. Quant à l’accompagnement spirituel, la femme peut être utile, bien sûr, mais je pense qu’il vaut mieux qu’un prêtre accompagne un candidat au sacerdoce. La femme peut cependant accompagner la formation humaine, un aspect qui, à mon avis, n’est pas suffisamment développé dans les séminaires. Il est nécessaire d’évaluer le degré de liberté des candidats, leur capacité à être cohérent, à établir leur projet de vie, ainsi que leur identité psychosociale et psychosexuelle.
L’affectivité est un domaine dans lequel la formation sacerdotale semble faire défaut. Il y a une autre question sensible: le cléricalisme, l’esprit de caste des prêtres, parfois même le sentiment d’impunité. La présence de femmes dans les équipes de formation peut-elle aider sur ces points cruciaux?
R. – Je crois que l’expérience de collaboration avec les femmes sur un pied d’égalité aide le candidat à envisager son futur ministère et comment il respectera les femmes et collaborera avec elles. Si nous ne commençons pas pendant la formation, le prêtre risque de vivre sa relation avec les femmes de manière cléricale.
Dans la Ratio fundamentalis de 2016, publiée par la Congrégation pour le Clergé, une formation intégrale du prêtre est proposée, capable d’unir la dimension humaine, spirituelle, intellectuelle et pastorale. Dans ce contexte, la présence des femmes est-elle «intégrative» ou «fondamentale»?
R. – Je pense que ce texte a besoin de nouvelles ouvertures et développements. Nous sommes toujours dans une conception cléricale de la formation qui s’efforce de progresser mais qui reste dans la continuité de ce qui a été fait. Il y a plus d’éléments concernant la formation humaine, mais je pense qu’il fait encore très défaut en ce qui concerne l’intégration des femmes dans la formation.
Nous entendons souvent dire que les femmes devraient se voir confier des postes de responsabilité. C’est certainement important. Mais si je comprends bien, espérez-vous surtout une révolution culturelle? Peut-être un changement de mentalité?
R. – Oui. Exactement. Dans un récent discours à la plénière de la Congrégation pour l’éducation catholique, j’ai reconnu la valeur créatrice du proemio du document du Saint-Père Veritatis gaudium (la constitution apostolique du Pape François sur les universités et facultés ecclésiastiques du 29 janvier 2018) pour la rénovation de l’enseignement supérieur. Mais j’ai souligné que la dimension de la problématique des femmes et de la réponse de l’Église fait défaut. Il ne s’agit pas seulement de promouvoir les femmes, mais de les considérer comme partie intégrante de toute formation. Il aurait fallu qu’il y ait au moins une allusion dans un texte de cette importance tourné vers l’avenir. Cela indique où nous en sommes encore! Lorsque j’ai pris la parole en séance plénière de la Congrégation pour l’éducation catholique, il y avait les recteurs des universités romaines; il y avait plusieurs femmes mais proportionnellement une sur dix. Il reste encore beaucoup à faire dans l’enseignement supérieur dans les universités catholiques. La révolution culturelle signifie un changement de mentalité. Pour revenir à la formation sacerdotale, un prêtre peut se préparer à bien prêcher, à remplir correctement toutes les fonctions. Mais la pastorale est avant tout le soin des personnes. Et l’attention aux gens est une qualité naturellement féminine. La sensibilité de la femme à la personne compte moins à la fonction. Le pape François, dans toute sa conversion pastorale, nous demande de prendre en considération les gens, de nous demander comment faire pour les accompagner dans leur croissance. Jusqu’à présent, nous nous sommes surtout intéressés à l’orthodoxie, connaissant bien la doctrine, la enseignant bien. Mais tous ces pauvres gens qui doivent le digérer… Comment allons-nous avec cela?
Les relations entre prêtres et femmes restent soumises à de nombreuses contraintes. Il y a souvent un «malaise» mutuel. Difficulté à établir une relation égale, elle l’a déjà dit. À quoi est-il dû? À quelques lacunes dans la formation sacerdotale?
R. – Le problème est probablement plus profond. Cela vient de la façon dont la femme est traitée dans les familles. Il y a un malaise, car il y a de la peur… Plus de l’homme vers la femme que de la femme vers l’homme. Pour un prêtre, pour un séminariste, la femme représente le danger! Alors qu’en réalité, le vrai danger, ce sont les hommes qui n’ont pas une relation équilibrée avec les femmes. C’est le danger dans la prêtrise, c’est ce que nous devons changer radicalement. Pour cette raison, pendant la formation, il est important qu’il y ait contact, comparaison, échanges. Cela aide le candidat à interagir avec les femmes, de manière naturelle, et aussi à relever le défi que représente la présence de la femme, l’attirance envers la femme. Cela doit être enseigné et appris dès le début, sans isoler les futurs prêtres qui se retrouvent alors brutalement dans la réalité; puis ils peuvent perdre le contrôle.
Beaucoup pensent que si les femmes avaient été davantage associées à la formation (et à la vie) des prêtres, la crise des abus n’aurait pas atteint des niveaux aussi dramatiques. Est-ce vrai ou est-ce juste un cliché?
R. – Il y a certainement une part de vérité là-dedans. Parce que l’homme est un être affectif. S’il n’y a pas d’interaction entre les sexes, il y a un risque de développer des compensations… qui peuvent être de type alimentaire, ou s’exprimer dans l’exercice du pouvoir, ou dans des relations fermées, une fermeture qui devient manipulation, contrôle… et qui peut conduire à des abus de conscience et des abus sexuels. Je crois que pour le prêtre, apprendre à se rapporter aux femmes dans le contexte de la formation est un facteur d’humanisation qui favorise l’équilibre de la personnalité et de l’affectivité de l’homme.
Vous avez dit à plusieurs reprises que la question féminine nécessite un investissement important de la part de l’Église, que l’on ne fait pas assez. Pourquoi ne percevez-vous pas l’urgence de ce thème?
R. – Les quarante dernières années ont été marquées par de grandes transformations sociales, du moins en Occident. La prise de conscience de la présence des femmes dans le monde du travail, dans la vie publique est pour ainsi dire une nouveauté. L’Église marche lentement. Nous avons un retard à récupérer car l’entreprise est allée plus loin. Cela a également contribué à ralentir la revendication d’une égalité ministérielle totale, comme si la différence sexuelle n’avait aucune importance. Nous sommes également ici face à l’approbation idéologique masculine qui s’impose. Nous avons vraiment besoin de créativité, pour qu’il y ait une plus grande présence de femmes, par exemple dans le domaine prophétique, dans le témoignage et aussi au gouvernement. Il y a plusieurs curies où il y a des femmes chancelières qui coordonnent l’activité pastorale. Mais le problème est le modèle ecclésiologique clérical. Dans l’Église, il y a ceux qui ont des rôles principaux: qui prêchent la Parole, qui donnent les sacrements, comme si les prêtres étaient la réalité essentielle de l’Église, mais ce n’est pas le cas. Le centre de l’Église n’est pas le ministère, c’est le baptême, c’est-à-dire la foi. Et précisément le témoignage de la foi est un lieu où les femmes peuvent occuper un espace extraordinaire.
Que dites-vous aux femmes catholiques irritées par l’exaltation du génie féminin, par certains stéréotypes sur la féminité?Quelqu’un a écrit qu’il y avait eu une transition de la misogynie à la mythisation positive!
R. – Les deux sont de mauvaises attitudes et au final, elles sont identiques. La vision d’arrière-plan manque. Sur ce point, je pense que la réflexion théologique a aussi des pas à faire, aussi une réflexion anthropologique et spirituelle sur la femme, ou sur la relation homme-femme. Pendant des siècles, l’exégèse a fait une abstraction totale de la différence sexuelle dans la doctrine de l’Imago Dei, l’image de Dieu. Pourquoi? Parce que Dieu est spirituel. Mais le sens du texte de la Genèse est la dynamique de l’amour entre l’homme et la femme qui est l’image de Dieu. Autrement dit, le couple en tant que tel. Maintenant, les exégètes ont développé cette pensée. Mais pour le faire passer dans la culture, il faut assimiler ce que sont l’homme et la femme.
La prédominance féminine parmi ceux qui participent activement à la vie des communautés paroissiales est désormais proverbiale: d’où vient l’idée que l’Église est une réalité dominée par les hommes? Peut-être parce que le ministère ordonné est réservé aux hommes et cela crée au départ et en tout cas une infériorité des femmes dans l’Église, la reléguant à des tâches moins «nobles»?
R. – Merci pour cette question importante. La réponse est: parce que le modèle est de bureau. Si la femme n’a pas de pouvoir fonctionnel, elle n’existe pas. Si la fonction est très secondaire car elle est au service du baptême, elle doit faire vivre la filiation divine dans le cœur des hommes. Voici l’Église! Et tout le reste, l’annonce de la Parole, don de la Sainte-Cène, fait vivre cette réalité essentielle. Le pape François le dit en reprenant une idée de Hans Urs von Balthasar. Elle dit que dans l’Église, Marie est supérieure à Pierre, parce que Marie représente le sacerdoce baptismal dans son expression maximale, elle est la médiatrice du don du Verbe incarné au monde. Et donc, la forme de l’Église est féminine parce que la foi est l’acceptation de la Parole et il y a une acceptation fondamentale de la grâce qui est féminine. Maria est son symbole. C’est cette ecclésiologie que j’appelle «nuptiale», car quand je dis nuptiale je mets l’amour au premier étage. Cela s’applique non seulement aux époux mais aussi à la vie consacrée, à la vie sacerdotale et ministérielle, tout est unifié dans cette relation nuptiale entre le Christ et l’Église qui révèle au monde le mystère de Dieu qui est amour.
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